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Jamais
27 juillet 2007

Dimanche

Le soleil déchire l’habitacle de lueurs pâles et striées. Segments filiformes, elles effleurent les paupières de l’enfant de leurs envergures gigantesques.

Allongé sur la banquette arrière, les yeux plissés de bonheur, sa tête s’emplit des kaléidoscopes que la clarté projette sur l’écran du demi-sommeil.

Le moteur, énorme de secousses, lui berce des rythmes à coller sur la vie.

De toute part, des reflets en rafales mouchètent les surfaces, hachurent les visages raidis de concentration routière.

Vitraux du quotidien, des paysages d’insectes écrasés - cadavres ridicules pour des décors de fientes - dessinent à l’encre épaisse des peintures de guerres sur les peaux grisées.

La vitesse n’en finit plus de faire siffler les platanes du bord de route.

Dans cette bulle transparente rehaussée de bois lustré, le parfum de cuir chaud emplit les poumons, chavire le cœur.

Tout se mêle dans un tourbillon vif et compact.

Les éclats de verres en pochoirs brûlent la peau, distillant des arômes bouillis dans le vide capitonné.

Le temps s’amasse et se replie tout entier dans ces courbes de tôle, point de couleur sur l’océan d’asphalte.

La vieille radio grésille une chanson morte, rongée d’accents éteints…et l’enfant enclenche le bonheur.

Dans un ordre improbable, lumières et sons s’agrègent dans son opéra de rien du tout, alambic de l’enfance dont l’âge efface jusqu’au goût.

A chaque virage, l’ombre verte des collines engloutit sous ses rondeurs obscures des richesses éphémères, pour les faire renaître neuves et autres à l’instant d’après dans un embrasement d’images en jachère.

Grisé, fou d’une joie dont il ne connaît rien, il saisit la manivelle et fait descendre péniblement le rideau translucide qui le sépare de ces toiles filantes.

L’air aigu claque à son visage et fait de ses cheveux une couronne blonde. Les yeux mi-clos,

rougis au vent, il sourit, emprisonnant au creux de ses mains des boules de vitesse

aux contours invisibles.

C’est une fin d’après-midi à l’horizon de brasier, un souvenir d’enfance, petite musique et photo usée…

…où pour toujours flotte dans l’air triste et léger, ce principe de réalité:

«remonte la vitre, tu vas t’enrhumer !»

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Commentaires
J
Ca y est j'ai vu "C.R.A.Z.Y."<br /> <br /> ; )
J
Je suis seul, mais au milieu d'une foule. Mais je plussoie sur "la causticité cynique".<br /> <br /> En ce qui concerne "ma part d'ombre", elle est portée et me silhouette. C'est un trait noir, un contour, tantôt fin, tantôt épais. <br /> <br /> J'ai longtemps tenté de lui échapper mais c'est peine perdue. Elle est là, ne prend pas "trop" de place, mais ne peut-être niée pour autant.<br /> <br /> Je ne pense pas être prêt à "accoucher". Encore moins d'un Bison Ravi...<br /> <br /> Nostalgique...je dirais plutôt Mélancolique option "atrabile" donc. <br /> <br /> Pour le style écourant...oui, oui et re-oui. Une crème de marrons qui brûle la gorge à force de douceur. Un état vaseux délicieusement coupable. Une gourmandise qui ronge les dents. <br /> <br /> Et l'enfance...évidemment. Les promenades dans la vieille voiture de collection de mon oncle, cette impression d'être l'unique spectateur du monde. Le petit Lord des Dimanches à la campagne.<br /> <br /> "j'avais tout fait pour oublier ça, et je pensais que personne n'aurait les mots pour ce genre de souvenir"<br /> <br /> ça. <br /> <br /> Et bien "ça", c'est le plus beau commentaire que j'ai jamais eu. C'est un cadeau. C'est joli.<br /> <br /> Je l'ouvre ?<br /> <br /> <br /> P.S : non, je n'ai pas vu ce film, mais je voulais le voir je m"en souviens bien.<br /> <br /> Au revoir "Célinedidi"
C
qui écrit, vous êtes plusieurs?<br /> quoi qu'il en soit, ça fout les glandes ce mélange de lucidité lubrique, de causticité cynique, je vais vite prendre mes médics...<br /> il faut dompter votre part d'ombre, pour vous laisser accoucher du Boris Vian nouveau que vous êtes.je déconne, mais seulement à moitié donc je poursuis<br /> je l'intitulerai l'entre deux vies.<br /> Plus je le relis, et plus je me dis que c'est...<br /> C'est magnifique et tellement personnel... et à la foi (ah ah), est ce que tout le monde a ces souvenirs? est ce la beauté de la description qui contrebalance cette tristesse nostalgique? il y a un côté écoeurant du au style parfois chargé juste avant un abandon soudain qui envole le morceau. ou simplement ce souvenir d'odeur qui me file encore la nausée rien que d'y penser. ça ne me l'a plus jamais fait aussi fort que petite. les images en jachere, les toiles filances, les arômes bouillis, 'et l'enfant enclenche le bonheur'. c'est beau, c'est nature, c'est juste. une forme de perfection par endroit.<br /> j'avais tout fait pour oublier ça, et je pensais que personne n'aurait les mots pour ce genre de souvenir/ <br /> tu as vu C.R.A.Z.Y?<br /> bisiou!
M
ataraxie-> tu trouves juste...<br /> <br /> P.S: les "boules de vitesse", c'est surtout parce que j'adore taper des petits sprints à poil. <br /> <br /> http://www.ptsmm.net/dokeos/courses/COM07/document/images/runners_sm_1.jpg<br /> <br /> Délicieuses sensations...
A
Rien que pour "les boules de vitesse", c'est pas perdu.<br /> Et la fin remonte un peu dans la gorge comme un sanglot, je trouve.
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